Omar-el-Bechir-accueille-Deby-a-Khartoum--le-8-fevrier.jpgPour beaucoup d’observateurs, le Tchad et le Soudan sont supposés entretenir de bonnes relations. En fait, et à bien voir les choses, celles – ci  sont très confuses et complexes. Pour les tchadiens qui ne sont pas dans les secrets du cercle clanique de Deby, c’est l’imbroglio total. Cette confusion est-elle sciemment entretenue par les deux pays. Pas sûr. Mais à qui profite cette situation malsaine ? Certains diront que c’est la politique. Non, la politique est un domaine qui use de l’art sur la base d’appréhension des données scientifiques. Mais tout compte fait, entre le Tchad et le Soudan,  l’imposture est conjuguée à plusieurs modes.


Revenons un peu en arrière sur certains évènements marquants de la reprise des relations Soudano-Tchadienne.

Le deal Deby-el-Béchir avait en fait pu être matérialisé  grâce au plan de Kadhafi en accord avec les autorités américaines et  Egyptiennes. Ce plan prévoyait du côté Soudanais, l’organisation du référendum du Sud-Soudan, la signature d’accord de paix avec toutes les rébellions soudanaises et la reprise de relation avec le Tchad. Du côté tchadien, Kadhafi a obligé Deby d’accepter une rencontre avec el-Béchir aux fins de régler une fois pour toutes le problème des  soutiens militaires apportés aux rébellions contre les deux régimes respectifs.

Cette offre arrangeait  les deux pays en difficulté face aux rébellions et aux pressions de la communauté internationale. C’est ainsi que Deby s’est déplacé à Khartoum à la surprise de tout le monde.

Résultat : Khartoum a scrupuleusement respecté l’accord : la rébellion tchadienne a été désarmée. Les combattants tchadiens refusant de déposer les armes ont été traqués – comme si « les ex-amis » ne les reconnaissaient plus.

Plus grave, pour faire encore plus plaisir à  Deby, plusieurs cadres civils et militaires de la résistance tchadienne  ont été enlevés et carrément emprisonnés dans des cellules à Khartoum avant d’être purement et simplement  transférés  à N’Djamena.

Côté tchadien, une parodie  d’expulsion du Tchad  de Khalil Ibrahim, l’emblématique chef du MJE – qui a même failli tourner à une guerre fratricide entre les clans zaghawa – s’est plutôt achevée  en Libye, à  Tripoli  à l’issue d’une grotesque une mise en scène bien montée par Deby et Kadhafi.

L’exfiltration de Khalil Ibrahim vers la Libye fut  une occasion en or pour le « Guide » de garder Khalil sur son territoire. Ainsi, il lui servait de joker au cas où Khartoum tenterait de jouer au malin avec le « roi des rois ».

A part ce petit mic mac sur fond  d’imposture, rien n’a véritablement été  fait du côté de N’Djamena pour donner des gages de bonne foi à Khartoum. Au contraire, Deby a continué d’entretenir de bonnes – et même de très bonnes - relations avec le MJE de Khalil.

La preuve, quand Kadhafi s’est trouvé  incapable d’arrêter l’avancée des rebelles insurgés libyens, il a carrément fait appel aux rebelles soudanais du MJE et … à Deby. !

Il faut dire que le soutien tchadien a été très précieux dans la résistance du   « Guide » pour  quiDeby avait joué les  convoyeurs  des mercenaires, allant jusqu’à  l’envoi  direct de plusieurs escadrons  de sa garde rapprochée – qui avait replié dès l’entrée en action de l’aviation de l’Otan, sans oublier les menaces de l’Elysée.

C’est incontestable, et peu de chefs d’Etats africains ignorent que Deby avait activement soutenu militairement  Kadhafi via les troupes de MJE et ses mercenaires jusqu’au 18 Août  - jour de son retrait de Tripoli.

C’est même ce jour que Kadhafi  avait  offert une impressionnante  armada  aux troupes de Khalil qui, après sa fuite de Libye et s’en retournant au Soudan,  avait été accueilli en héros dans le fief de Deby en territoire tchadien.

C’est du Tchad, que les troupes de Khalil s’étaient ravitaillé en vivres et carburant avant de progresser en territoire soudanais. Par la suite,  Khalil les a rejoints un peu plus tard au Darfour après un petit crochet de  quelques jours à Ouagadougou (Burkina Faso).

Informé tout de même de ce passage des troupes de MJE en territoire tchadien, el-Béchir avait réagi en envoyant une délégation de protestation à N’Djamena. Bien évidemment,  Deby a tout nié, la main sur le Coran,  mettant les choses sur le dos de son demi-frère Timane Deby.

Les soudanais,  pas  naïfs du tout,  ont  en tout cas fait semblant de croire aux salades du Sultan. Mais il faut dire que c’est çà la base de  l’imbroglio du conflit opposant Timane  Deby à Idriss  Deby  à cause  d’un sultanat créé ex nihilo par l’un au bénéfice de l’autre et qui s’en est  emparé par la suite – ce qui avait d’ailleurs fait les choux gras des chroniques de la presse  en ligne – Deby a retourné les choses à son avantage et au détriment des soudanais  et- profité de tout cela  pour renouer avec le MJE, trop proche de son frère rebelle.

Les proches de Deby lui ont conseillé de pactiser avec le MJE – cela a été  fait, il y a plus d’une semaine  à Am-Djarass. D’ailleurs, comme nous l’avons annoncé auparavant, une délégation de très haut niveau de la rébellion soudanaise – plus précisément le MJE de Khalil Ibrahim -  séjournedepuis le 27 novembre 2011  à N’Djamena, logée dans la villa de Timane Deby, sise au quartier Klémat.

Mais là où le Sultan s’est mis le doigt dans l’œil et s’est trahi aux yeux des soudanais, c’est  lors de sa dernière visite à Doha et Khartoum.  Aux autorités Qatari,  Deby a avoué avec des airs de fausse sincérité  qu’il aimerait bien faire office de médiateur pour réconcilier Khartoum avec le MJE. Même discours tenu auprès de son homologue soudanais avec une bonne dose de duplicité comme d’habitude.

Combien de temps va durer ce jeu de cache-cache ? Attendons voir !

A ce mauvais jeu perpétuel avec le Soudan, Deby va finir par comprendre que si on peut tromper ses alliés une partie du temps, on ne peut pas les tromper tout le temps. La preuve, selon des informations dignes de foi,  le Soudan aurait  ouvert depuis quelques  mois un camp d'entrainement à l’usage des  combattants disposés à en découdre avec  Deby à Forborang,  en territoire soudanais. L’autre grande  information étant que depuis une dizaine de jours,  plus d'une centaine de combattants de l'armée de Deby a  quitté la caserne d'Am-timan  - où ils étaient en poste - pour  rejoindre leurs camarades à Forborang  au Soudan.

Au cinéma comme au cinéma donc.  Et l’on ne dira pas que les soudanais seraient incapables de jouer la comédie. La preuve :   le 12 Décembre,  une brigade de la fameuse commission mixte Tchado-Soudanaise aurait  procédé à une vaste campagne d'arrestation à El-Geneina des combattants de la Résistance, restés encore au Soudan. Vraie traque, ou fausse chasse aux rebelles ? On verra bien.

Par D.D | Ndjamena-matin

Tag(s) : #POLITIQUE TCHAD
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