Le président-directeur général de SARIS-Congo indique les perspectives de développement de la filière sucrière dans la sous-région.


Peut-on avoir une idée de l’entreprise que vous dirigez ?

L’entreprise résulte d’une privatisation d’une entité publique qui s’appelait la SUCO, en 1991. J’assume la direction générale depuis novembre 2003. Le capital est détenu à 66% par le groupe SOMDIAA, un groupe qui est basé aussi bien au Congo-Brazzaville, au Gabon, au Tchad et au Cameroun qui est la plus grande implantation.

La SARIS produit en gros 70 000 tonnes de sucre et exporte les deux tiers de sa production au Cameroun et au Tchad.

La consommation nationale du Congo étant de 30 000 tonnes. Si on met les stocks reportés, cela fait 40 000 tonnes qui sont renvoyées de façon exclusive vers le Tchad, la Centrafrique et le Cameroun et notre gros client est la SOSUCAM.

Vous affirmez que vous exportez en direction du Tchad, de la Centrafrique et du Cameroun. Mais d’où vient-il qu’on soupçonne toujours les sucriers d’importer le sucre d’ailleurs pour inonder la zone Cemac ?

Le sucre est un produit très alléchant pour les commerçants qui ne produisent pas le sucre. Les importateurs font beaucoup plus de marge que les producteurs. Autour du sucre, il y a beaucoup de spéculation et des lobbies d’affaires se constituent autour du marché sucrier pour inonder les pouvoirs d’informations qui ne sont généralement pas fondées. Le Congo est un pays net exportateur, puisque la consommation locale représente seulement le tiers de la production. Cela veut dire que nous devons trouver des marchés à l’extérieur. Le Cameroun est net importateur, c’est-à-dire en attendant d’augmenter sa capacité de production, puisque la SOSUCAM vient d’acquérir des terres nouvelles. Il peut donc arriver que, compte tenu des difficultés que le Congo éprouve pour évacuer sa production, compte tenu de notre enclavement, qu’il ne puisse pas pleinement satisfaire la demande du Cameroun et du Tchad. A partir de ce moment, généralement pour satisfaire le marché intérieur, le Cameroun est bien obligé de solliciter des pouvoirs publics, une certaine possibilité pour importer. Dans ce cas, le Cameroun importe pour satisfaire sa demande intérieure, puisque l’offre est insuffisante. Je pense d’ailleurs que c’est à cause de la grande sécheresse que nous avons connue et qui avait entraîné la non production de 12 000 tonnes destinés au marché sous régional que le Cameroun s’est vu obliger de délivrer quelques agréments d’importation. Le Cameroun représente pour le Congo le marché le plus proche en termes du coût d’approche et du coût de transit. Nous optimisons ce marché de telle sorte comparativement au rapport qualité/prix, nous soyons compétitifs face au sucre venant de l’extérieur. Le sucre que nous exportons au Cameroun est spécifiquement congolais et répond aux normes internationales en la matière, notamment au niveau des origines, d’une part, et d’autre part, des normes qualités entre le Cameroun, le Congo et le Tchad sont tellement exigeants que nous ne saurions importer parce que nous ne savons pas quelle est la qualité réelle de ce sucre qui serait importé. Nous exportons donc du sucre que nous envoyons au Tchad et au Cameroun, principalement le Cameroun du point de vue de la qualité, parce que c’est notre marché principal. Je sais qu’au Cameroun, un certain lobby d’affaires, principalement des commerçants, dit que le Congo n’exporte pas du sucre ; que nous importons et réensachons pour renvoyer au Cameroun. Le coût de réensachage pour ceux qui savent rendrait le coût du sucre non compétitif. Et à partir de ce moment, je ne vois pas M. Yinda vendre un peu plus cher pour faire plaisir à la SARIS. Tout ce qu’on raconte à ce sujet est faux.

Vous confirmez donc aux consommateurs que ce sucre est bel et bien congolais ?

Evidemment, je ne peux que le certifier. Puisque vous avez assisté tout à l’heure à tout le process de production. Des plantations à l’usine, en passant par le magasin de stockage, le transport par train de Moutéla jusqu’au port à Pointe-Noire. Par ailleurs, les importateurs voulaient faire croire que le sucre était en transit au Congo, à destination du Cabinda, mais que ce sucre restait dans le territoire congolais. C’est pour cette raison que le législateur a introduit dans la loi portant réglementation du commerce au Congo une spécificité claire que tout produit prohibé à l’importation ne saurait transiter sur le territoire congolais. Le sucre, qui fait partie de ces produits, ne transite même pas. Toutefois, il y a une spécificité intra communautaire qui fait que nous faisons importer le sucre en morceaux du Cameroun qui le fabrique pour le marché congolais.

Dans une Afrique centrale en butte à l’intégration, on a plutôt le sentiment que l’intégration par le sucre va mieux …

Je crois que le sucre est le premier élément d’intégration réussi avec l’organisation commune du marché du sucre mis en place il y a trois ans par les chefs d’Etat de la CEMAC. C’est un modèle d’intégration réussi où les quatre entités sucrières de la sous-région collaborent aussi bien du point de vue technique que du point de vue commercial. L’Europe a commencé par l’acier et nous espérons que le sucre sera un modèle d’intégrateur en Afrique centrale. Il est sans doute important que le public sache que les mécanismes en cours ont été décidés par les chefs d’Etat de la CEMAC. Je crois que la presse devrait communiquer suffisamment sur cet organisme du marché commun du sucre qui a été mis en place du fait de la volonté des chefs d’Etat. Les professionnels du sucre que nous sommes n’avions que donné des éléments et des instruments nécessaires pour que cette organisation commune du sucre soit mise en place. Celle-ci fonctionne normalement et le secrétariat est assuré par le Groupement des professionnels de sucre (GPS) dont M. Louis Yinda en est le président. Cette organisation du marché commun du sucre régule le marché du sucre en terme de gestion des déficits et des excédents entre pays. C’est un mécanisme décidé par les chefs d’Etat et l’importation du sucre par le Cameroun et le Tchad découle de cette démarche.

Il semble que le Congo exporte du sucre vers les Etats-Unis. Comment cela se passe-t-il quand on connaît les exigences de qualité pour pénétrer le marché américain ?

Le processus AGOA est un accord commercial avec les Etats-Unis qui fait que le Congo ait bénéficié de ce quota américain pour pouvoir exporter vers ce pays. Toutefois, il convient de préciser qu’il y a une norme quantitative qui joue. Aujourd’hui, nous avons arrêté l’exportation vers les Etats-Unis parce que ce marché n’est plus porteur avec les cours du dollar aussi bas, nous ne pouvons pas rentrer dans nos frais, ne serait-ce que sur le fret maritime. Nous avons donc été obligés momentanément de suspendre nos exportations vers les Etats-Unis en attendant qu’il y ait une augmentation du cours du dollar et une augmentation du cours du sucre. Sur le plan de la qualité proprement dite, la SARIS fait partie du groupe SOMDIAA qui, aussi bien dans l’ameneurie que de la sucrerie, a mis en place un mécanisme de contrôle qualité indispensable pour compétir au niveau international. C’est d’ailleurs pour cela que les Américains nous ont relancé pour que nous les envoyions annuellement les 7 500 tonnes, mais que nous refusons tout simplement à cause du cours du dollar qui est trop bas. Mais nous avons, sur le plan local, des représentations de nos principaux clients, en l’occurrence Coca-cola et Heineken. Si Coca-cola nous agrée pour pouvoir vendre du sucre dans ses filiales, c’est dire qu’en terme qualitatif, nous répondons aux exigences de nos clients. Sur ce point, les consommateurs camerounais peuvent être rassurés : notre sucre est de très bonne qualité. Je demande de faire la comparaison entre le sucre produit au Congo et en zone CEMAC en général et celui qui vient du Brésil, vous verrez que le sucre qui vient hors CEMAC laisse les dépôts, y compris parfois des dépôts métalliques.

Quelles dispositions avez-vous prises pour la protection de l’environnement ?

La principale difficulté qui viendrait de la pollution serait au niveau de l’usage des eaux usées. Contrairement à ce qu’on pense, que la pollution viendrait de la fumée, il convient de préciser qu’il n’en est rien, puisque nos vastes étendues de plantation absorbent déjà une grande quantité du gaz domestique par photosynthèse. Sur ce plan, nous ne polluons pas réellement. Nous polluons au niveau des eaux, mais tout un processus a été mis en place pour le traitement des eaux aussi bien au Cameroun, au Congo qu’au Tchad. Nous sommes en train de développer des plantations d’eucalyptus pour pouvoir augmenter la capacité d’absorption du gaz carbonique dégagé par l’usine, mais aussi pour utiliser de l’eau usée pour l’arrosage des plantations du programme de développement de la bananeraie avec de l’eau usée préalablement traitée.

Quel pourrait être votre mot de fin à destination du public ?

Il irait d’abord aux pouvoirs publics. Je crois que la crise actuelle vient de démontrer que la régulation de l’économie est à l’ordre du jour. Il n’est plus de raison que les pouvoirs publics n’aident pas leurs entreprises créatrices d’emplois, parce que ces entreprises, en distribuant les revenus, luttent principalement contre la pauvreté et la précarité. Les pouvoirs publics doivent soutenir les entreprises qui créent de la valeur ajoutée nationale. Pour les populations, je les exhorte à un nationalisme dans la consommation. Je crois qu’en consommant ce qui est produit localement, elles permettront une meilleure distribution nationale des ressources et permettent par les achats à ces entreprises de dégager un surplus qui permettra d’accroître leurs capacités d’investissement et d’assurer la protection des emplois. Ce nationalisme des consommateurs du Congo et de la sous-région a droit d’être, d’autant qu’avant la fraude, la contrebande et la contrefaçon, c’est la préservation de l’emploi qui est menacée, tandis que les devises vont vers ces pays. Les populations peuvent être rassurées, le sucre mis à leur disposition est d’une meilleure qualité.

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